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La traversée d'Hylas

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La traversée d'Hylas
par Alain Poireau, mai 2004

Notre séjour à Brava, dernière île du Cap vert se termine.. nous avons réussi à approvisionner quelques légumes frais, quelques oeufs... nous avons complété les pleins d'eau douce, denrée si précieuse ici.. il est à nouveau temps de penser à relever notre ancre.. la "grande bleue" nous attend.

Sortis des renforcements de vents occasionnés par le couloir entre les îles de Fogo et Brava, le vent d'alizé s'établit régulier au Nord-Est et la longue houle typique de l'Atlantique commence à secouer Hylas.. Voiles gonflées, le bateau avance bien et les îles s'estompent doucement à l'horizon.. Nous revoilà à nouveau solitaires au milieu de la grande marmite liquide.

      

Les vents sont réguliers, en force et en direction et c'est rare lorsque nous avons à reprendre des réglages de voiles.. Le bateau bien équilibré, notre petit pilote barre bravement et inlassablement.

Et nous retrouvons aussi cette houle Atlantique désagréable.. impossible de se déplacer sans solidement se tenir.. chaque action devient beaucoup plus compliquée.. une main pour se tenir.. une pour travailler.. La cuisine (heureusement nous avons une cuisinière sur cardan..) est un exercice de haute voltige et il faudra que nous soyons bien fatigués pour quand même dormir en étant ballottés d'un coté et de l'autre.

Parlons sommeil.. L'Atlantique c'est grand.. mais il n'empêche que nous n'y sommes pas seuls et nous avons vu plusieurs cargos dont certains assez proches de nous.

Il est donc plus prudent d'effectuer une veille constante.. La nuit, il existe plusieurs techniques.. par exemple on ne dort que d'un oeil.. et on change d'oeil toutes les deux heures... :0) Nous, on applique la règle des trois heures.. Trois heures à luter contre le sommeil pour l'un, trois heures à essayer de le trouver pour l'autre.. Avec la houle, les quarts seront certainement notre plus mauvais souvenir de la traversée.

Le deuxième jour, juste avant le déjeuner, j'ai mis une ligne à l'eau. et en quelques minutes, pris une belle dorade coryphène qui est venue enrichir le menu du bord.. nous prendrons un autre poisson pendant la traversée.. une espèce de poisson noir peu sympathique que nous décidons de remettre dans son élément.. et puis nous avons souvent cassé.. sur des poissons certainement beaucoup trop gros...

Le vent se maintient dans les quinze noeuds.. pratiquement entre grand largue et vent arrière Sur la carte les points traduisent notre avance.. 93 miles, 107 miles, 102 miles.. nous n'avançons pas très vite mais chaque jour la distance à parcourir diminue.. et nous approchons de l'équateur.

Le "pot au Noir"... cette zone autour de l'équateur où les bateaux à voile pouvaient rester "encalminés" des jours durant.. Nous, heureusement, nous avons notre fidèle "Perkins" et la "risée diesel" vient suppléer au manque de vent.. En plus on en profite pour remettre le frigo en route afin de rafraîchir la bouteille de champagne que nous avions emportée pour fêter le "passage de la ligne".. un petit verre pour Neptune.. le reste pour nous.

      

Neptune nous remerciera en nous offrant une succession de levers et de couchers de soleil féeriques sur 360° : grandiose !

      

En une journée et demie nous serons sortis du "Pot au Noir" et nous retrouverons les alizés de Sud Est de l'hémisphère Sud.. Le temps est beaucoup moins stable, le vent variable en force et en direction et nous avons souvent des gros grains avec des grosses averses (heureusement d'eau chaude..) Notre moyenne diminue, mais la distance totale à parcourir aussi.

Et douze jours après.. nous arrivons enfin en vue de l'île Brésilienne de Fernando de Noronha.

Le plus gros de la traversée est fait.. Les 120 miles nous séparant du continent ne seront qu'une formalité.

Cette traversée ne nous aura pas laissé un merveilleux souvenir.. mais est plutôt le prix à payer pour profiter ensuite des pays merveilleux de l'Amérique latine.. la monotonie.. l'inconfort du à la houle permanente.. les quarts... resteront autant de mauvais souvenirs...

Heureusement le Brésil nous attend.

FERNANDO DE NORONHA: Cette petite île volcanique perdue à 120 miles des cotes brésiliennes fut pour nous l'occasion de couper un peu la monotonie de la traversée.

Fernando est un petit paradis.. tout y pousse, l'île est très verdoyante et couverte de fleurs. C'est un parc naturel protégé : le domaine des papillons, des oiseaux exotiques, des tortues de mer et des dauphins.. C'est un haut lieu pour le surf et la plongée; malheureusement, le mouillage est assez rouleur, le débarquement sur la plage à l'abri de la digue du port peut être assez sportif.. mais surtout les autorités du port nous appliquent des tarifs prohibitifs.. 150 Réals par jour pour le bateau (40 Euros) plus 28 Réals par membre d'équipage (Le Capt'ain étant exonéré ?) seulement pour avoir le droit de jeter l'ancre.. Le but de cette taxe étant de limiter l'accès et la durée du séjour des bateaux de passage.

      

A notre grand regret, nous n'y sommes restés que trois jours et nous avons repris l'autoroute des alizés de Sud-Est en direction du "continent Sud Américain...

Avec ces dernières images se terminent nos récits de l'Atlantique.. Nous remettons les voiles!.. Rendez vous sur les pages (et les plages!..) de l'Amérique du Sud...

      

" Hoho !

Pas si vite, Mon Doux Capitaine... trop facile de se défiler subrepticement sur l'inconfort subi pendant cette transatlantique… et de s'envoler si vite vers le rêve sud-américain !

Plus d'un million de secondes durant lesquelles nos muscles ont été maltraités, malmenés, brutalisés. Au menu et au quotidien : P'tit Mouss bleu sur compote de reins meurtris.

Moi encore, je n'étais pas fêlée… à l'inverse de toi …avec ta côte.. peut-être même cassée : on ne le saura jamais ! Imaginez, avec l'énumération qui suit, ce que mon doux capitaine a encaissé.

Houle, roulis, tangage, vagues, lames, ondes, oscillations, secouements, balancements, ondulations, va-et-vient, mouvements, battements, vacillations, hochements, cahots, secousses, remous, à-coups, ébranlements, agitation, soubresauts, chocs, … etc.

Je vous défie, même avec l'aide du Ptit Bob ou de la Rousse, de me proposer d'autres synonymes.

En deux mots, secouer comme des shakers ou façon "tambour de machine à laver".. à vous de choisir, c'est le même prix et le même effet… sauf qu'un P'tit Mouss dans le tambour… débordement de mousse assuré !

Sans parler des voix que l'on entendait…. à en devenir fêler : Hylas geignait, gémissait, murmurait, craquait. Parfois, nous étions 3 à bord : peut-être notre ange gardien ! Réellement, nous entendions des sons qui ne sortaient pas de notre bouche… mais qui entraient dans nos oreilles.

Bon…

Assez dit, assez pleuré sur cette traversée, juste un mauvais rêve de 12 jours, ou une aventure à conter, un jour, à mes petits-enfants : tout le monde ne peut pas prétendre à cette équipée sur l'océan ! Hein ?

La terre ferme nous attend : 8 500 000 km2, plus de 16 fois la France… juste de quoi bien remplir et occuper les jours et nuits à venir !

Et, un jour peut-être, d'innombrables récits à narrer à mes petits enfants… "