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Lettre ouverte à ma banque
par Blaise Harvey, février 2003

NDLR: Blaise nous mentionne toutefois ne pas revendiquer l'entière paternité de ce texte, seulement son adaptation et sa traduction française.

Chères Banques et Cartes de Crédit à qui je dois de l'argent,

Je viens de prendre cette pente glissante vers la faillite et j'ai pensé que vous apprécieriez que je vous en informe à l'avance. J'avoue que ce n'est pas pour tout de suite mais je ne voudrais pas que ce soit une surprise lorsque le moment sera venu.

Car voyez vous, j'ai tout récemment fait le premier pas vers l'insolvabilité, d'après plusieurs experts financiers. En effet, oui. Même en étant pleinement au courant des conséquences futures de ce geste, j'ai (en fait je devrais dire nous car mon épouse sera aussi sans le sou) fait l'acquisition, dernièrement, d'un bateau. Cette nouvelle intéressera certainement les gens de votre département de recouvrement qui ne manqueront pas de transférer mon dossier dans la filière des fonds à risques. Je comprends, vous avez des procédures à suivre.

Bien que ça ne changera pas votre opinion sur le fait que notre futur sera lugubre, j'ai pensé vous informer que nous avons acheté seulement un petit voilier. Un voilier usagé. Un que nous avions les moyens de nous offrir. Oui, je sais, vous allez dire que le degré d'intoxication n'a pas d'importance. Vous allez me dire aussi qu'une fois ancré ce cancer a peu, s'il en a, de chances de guérison. Vous me direz aussi que cet appétit insidieux augmente à chaque saison jusqu'à ce que la personne qui a commencé avec un petit canot se retrouve un jour sur le pont d'un quarante pieds et réalise qu'il est dans l'eau par dessus la tête. Il n'a pas le choix pour ainsi dire que de se laisser couler pour se libérer de ses obligations financières. Ça arrive à tout le monde vous me direz.

Peut être est-ce l' allongite qui incite les gens normaux à commencer à planifier l'achat d'un plus gros le jour même qu'ils prennent livraison de leur nouveau bateau. Tout ce dont ils ont besoin c'est d'un supposé "ami" qui les dépasse à bord d'un nouveau modèle deux pieds plus long et un demi nœud plus vite en disant: "Embarque, viens essayer ce bolide-là". Ils mettent le pied à bord et la première chose qu'ils font est de commencer à visiter les marinas, coller une photo de l'objet de leur rêve sur le frigo et d'annoncer leur vieux (à peine deux mois) bateau dans les petites annonces classées. Tragiquement ils ont mordu à l'hameçon. Un autre exemple classique, vous me direz, de la personne qui dit que ça ne m'arrivera pas à moi.

Vous avez peut être raison. Après tout vous êtes les experts. Vous êtes parmi ceux qui ressentez les effets de la maladie de ceux qui succombent à la séduction d'un premier petit bateau et qui par la suite continuent à descendre dans le creux de la vague avec l'achat d'un plus gros. Vous êtes les gens qui essaient d'intervenir en leur recommandant d'adhérer au mouvement Plaisanciers Anonymes. (En passant, la raison pour laquelle ce regroupement ne fonctionne pas, c'est qu'au lieu d'assister aux réunions les gens mettent les voiles). Vous êtes les auteurs du proverbe:" Ce n'est pas tous les gens qui possèdent un bateau qui font faillite mais tous ceux qui déclarent faillite possèdent un bateau". Naturellement, vous êtes aussi ces mêmes gens qui font des profits exagérés sur le dos des pauvres plaisanciers endettés, mais là n'est pas le but de ma lettre.

Ainsi, chers amis créanciers, maintenant vous êtes au courant. C'est probablement seulement une question de temps pour que les mensualités de notre hypothèque maritime dépassent celles de notre maison; que l'on se serve du compte prévu pour l'éducation des enfants pour payer la marina et que nous siphonnions le réservoir de notre voisin de quai parce que notre carte de crédit est désactivée. Mais, jusqu'à ce que ce moment arrive, vous pouvez respirer en paix en encaissant le chèque (pourvu qu'il passe) que nous vous faisons parvenir à chaque mois. Qui sait, peut être serons nous un des rares qui défieront la moyenne en profitant de notre bateau tout en gardant la tête hors de l'eau et demeurant financièrement responsable.(Pourquoi ce sourire narquois?).

Ça va maintenant, je me sens beaucoup mieux depuis que je vous ai averti d'avance. S'il survient quelque chose d'autre que je crois que vous devriez savoir, je vous tiendrai au courant. En attendant si vous devez refuser une demande de prêt parce que vous croyez que la personne n'a pas les moyens de se payer le bateau qu'il a choisi, demandez lui s'il ne serait pas intéressé par un voilier de 29 pieds presque pas utilisé. Voyez-vous nous avons vu un vrai bijou de 32 pieds et si nous pouvions vendre le nôtre ce serait....non rien, laissez faire. Il y a des choses qui ne vous intéressent sûrement pas.

Au plaisir de se rencontrer sur l'eau.