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Mâtage

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Introduction au matage
suivi de
Matage avancé
par Thérèse Drasse, mars 2003

INTRODUCTION AU MATAGE

La Minerve, fin de semaine de l'Action de Grâces.

"Ain't no sunshine, any time she goes away". Bob Walsh avec son blues me donne les bleus. Surtout le saxophone, comme tout bon blues qui vous pogne au ventre. Ain't no sunshine, any time he goes away. Ulysse est parti à la chasse à l'orignal pour une semaine. J'ai abandonné mes chats et suis venue me réfugier au chalet, face à ce lac entre les montagnes. Il a plu par intervalles toute la journée. Pas brûlé beaucoup de feuilles. Le terrain est parsemé de tas de feuilles mouillées qui attendent; comme des seins gorgés de lait. Elles ne bougent pas, malgré le vent, trop lourdes. Non, vraiment, pas beaucoup de soleil. Même quelques grains de neige en passant près du Mont-Tremblant. J'ai eu une pensée pour ceux d'entre vous qui n'aviez pas encore ramené votre bateau. Elle était bienveillante et pleine d'empathie, au début. Puis, je ne sais ce qui s'est passé dans mon esprit, je n'ai pu m'empêcher de me dire:vous avez voulu vous moquer de moi en faisant des commentaires du genre." Hein? Vous avez déjà ramené le bateau? Vous n'avez pas beaucoup navigué cette année?" Et moi de me sentir coupable de ne pas être brave face aux vents d'automne, courageuse face au froid et à la pluie et tout le reste et d'avoir hâte de venir au chalet. Alors, j'ai pensé en souriant, bien malgré moi, bien sûr, en voyant cette neige: vous avez voulu en profiter (Y a tellement de belles journées en octobre!) "Alors remontez le bateau en gelant maintenant|". Ici, sur ce lac, petit, comparé au lac Champlain, tout un troupeau de moutons. Les bernaches canadiennes (outardes) descendent vers le sud en criant leur ralliement et leur joie. Et vous, vous remontez vers le nord? Hon!"

Donc, Ulysse est parti, laissant sa Pénélope derrière lui. Il me supplierait (ce qui m'étonnerait) et je n'irais pas. Pensez donc; il n'y a pas de douche. Alors, je ne lui ai pas demandé de me laisser un morceau de vêtement imprégné de son odeur pour me rouler dedans avec désespoir, mais plutôt, son ordinateur portable. Je savais que je serais calme, détendue, ayant bien intégré ma divergence ou mon désaccord (c'est ainsi que disent les psy?), face à cette activité qu'est le matage de Svenska au début juillet denier. Seule dans le chalet, au chaud, Bob Walsh en sourdine, calmée par mon ramassage de feuilles au grand air, comblée par cette vue du lac devant moi, je sentais que je serais prête, enfin, à vous parler rationnellement, du matage. Non pas que je ne fasse pas lire à Ulysse ce que j'écris. Quand même, il faut qu'il y ait quelques avantages à être mon capitaine. Mais enfin, seule, face à ce récit du matage, c'était bien.

Et tout d'un coup, voilà que je me dis:

-As-tu oublié la première chose que tu as à faire ici? La raison première pour laquelle tu aimes venir ici et celle en particulier pour cette fin de semaine?

Je fais l'innocente (pas difficile) et je me réponds:

-Quoi, toi et moi, on se fait un party de célibataires?

Impatiente, l'autre me rétorque:

-Pour la lecture, non? Ça ne se peut pas que tu aies oublié! Pas de télé, pas d'internet, pas de téléphone ou si peu, pas d'emplettes, pas de chats. Et que dois-tu lire, à part les trois livres que tu as apporté pour deux jours, idiote, que tu n'auras pas le temps de lire. A part cette chronique qui te prends un temps fou parce que tu t'emballes, tu relis, tu changes des mots, tu en rajoutes et ça n'en finit plus.

-J'ai bien essayé mais je me suis endormie sur ma lecture, alors je suis retournée dehors avec les moutons sur le lac, les oies sauvages, les geais bleus, mes feuilles et mon feu qui ne fait que de la fumée et qui ne brûle pas les feuilles mouillées.

Bon, d'accord, je devais et je dois lire les notes de cours; je dois étudier; j'ai beaucoup de retard. Ulysse et moi suivons le cours de Navigation électronique à l'IMQ. Sauf que je me suis endormie sur le temps de décharge d'une batterie 12 volts. C'est incontestablement un signe! Je comprends plus que si je ne comprenais rien. Non, je reconnais que le cours d'électricité m'a beaucoup aidé. Remarquez que je partais de loin. Mais de là à prétendre, que lire sur la charge et décharge d'une batterie me survolte, j'ai plutôt le goût de me débrancher.

Trois filles dans le cours pour au moins une douzaine de gars. Voyez où se portent chacun nos intérêts. En exagérant, je vous dirais, que ce qui intéresse la gent féminine en général, c'est l'usage qu'on peut faire des batteries qui se déchargent, (attention je ne parle pas de séchoir à cheveux) surtout, oui surtout qu'elles ne se déchargent pas trop vite. Par contre, ce qui intéresse nos hommes, c'est de s'occuper de la recharge avant que la décharge ne passe pas sous la barre du 50%. Je vous parle toujours de batteries, il va s'en dire. Pour m'aider à ne pas m'endormir sur le sujet, j'ai pensé comparer les batteries à nos vies. Dépendant de notre constitution et de l'entretien que l'on fait de notre santé, on peut à l'instar des batteries, nous décharger et nous recharger. Mais pas indéfiniment, pensez donc. On a tous un nombre précis de cycles. Non, je ne suis pas fataliste. Mais dépendant si on se décharge à plus de 50% et que nous ne sommes pas faits pour un tel régime (décharge profonde), nous n'arriverons pas à nous recharger le nombre de cycles que nous aurions dû vivre. Et plus on se décharge en bas d'un seuil critique, moins on arrive à retrouver notre 100% soit environ 12,75 V pour des batteries de 12 volts.

Parfois je me dis que si nos Ulysse s'intéressaient autant à leur Pénélope qu'à leurs batteries en appliquant le même raisonnement, ils seraient aux petits soins avec nous. Bien sûr ce qu'ils voudraient c'est la meilleure batterie et celle sans entretien. Vous savez celle qui n'a pas besoin qu'on vérifie sa densité (notre humeur), celle qui n'a pas besoin qu'on rajoute de l'eau ( bien oui je t'aime ma chérie!). Je dirai à Ulysse à son retour, les yeux langoureux, de ma voix la plus sensuelle:

-Mon amour, je suis sans entretien, je ne dégage aucun acide corrosif, j'ai un très bas taux d'autodécharge, je suis tolérante aux vibrations, tu peux me laisser déchargée durant un certain temps sans dommage et je suis utilisable dans toutes les positions (sauf renversée) .

Le problème c'est, que ce n'est pas vrai. Il ne faut plus me mettre à plat sinon j'ai besoin du chargeur longtemps et je risque de ne pas me recharger. Je suis une batterie de service. Dites-moi, croyez-vous que nos cycles de décharge intéressent nos capitaines?

Mais ce n'est pas tout ce que nous apprenons en Navigation électronique. Tellement d'autres choses qui fascinent les capitaines: les GPS, les radars, les lochs, les sondeurs. Remarquez je ne les critique pas. Je les observe et malgré mon expérience de vie(!?) ils demeurent encore parfois des énigmes; ils me font sourire. J'ai l'impression que d'avoir un ensemble d'écrans et de cadrans, qui les informent sur tout, les fait jubiler. Moi aussi un profondimètre m'intéresse. J'aimerais beaucoup qu'on en achète un nouveau pour Svenska à qui il lui est arrivé de goûter à la vase, d'aimer ce goût recherché au point de vouloir y rester. Et promis Ulysse, celui-là je ne le peinturerai pas. Bon, c'est dit. Il va cesser de rire à chaque fois que quelqu'un en parle! (c'est arrivé il y a plus de deux ans; c'est ça un running gag?). Tiens, plutôt, je lui attacherai autour une petite boucle bleu, Svenska sera contente. S'tune blague!

Donc, moi aussi j'aimerais bien savoir la vitesse du vent, tout, tout savoir. Lire ces données m'apporterait assurance et un certain plaisir. Alors, n'en doutez pas, j'aime les écrans, les cadrans. Sauf, qu'il me semble que les Ulysse n'ont pas le même rapport avec les afficheurs que les Pénélope. Moi j'apprécie les écrans pour l'information qu'ils apportent . Eux, ils aiment tout: les boutons, le GPS par dessus la carte, le format, le bip-bip, les écrans et l'information. Je les soupçonne d'avoir un rapport intime avec l'électronique. Du genre symbiose. Je dirai à Ulysse à son retour, les yeux langoureux, de ma voix la plus sensuelle: "Je suis une onde électromagnétique, je suis un écho. Module-moi et je reviendrai vers toi. Je brillerai, je clignoterai pour toi sur un écran à cristaux liquides. Enfin tu sauras où tu es!"

-Pis, cette histoire de matage, ça vient? Tu ne dois pas avoir grand chose à raconter. C'est de la foutaise, un coup monté pour essayer de garder l'intérêt des lecteur.

-Non, mais je n'ai plus de place dans cette chronique. Puis, arrête de mettre le doute en moi. Peut être as-tu raison, je crains que mon histoire de matage n'intéresse personne. Tous des habitués de matage et de dématage.

-Et puis, je n'ai même pas eu le temps d'aller voir mes chevreuils pour les prévenir que bientôt je ne pourrai plus venir les voir mais que les chasseurs, eux s'en viennent.

P.S de Celle qui commençait: Un peu présomptueux mais j'ai quand même appris quelques petites choses l'été dernier. Entre autres, qu'il faut se mettre nez au vent pour monter la grand-voile, pour mouiller l'ancre. Mais je ne savais pas pour les oies sauvages. Une centaine d'entre elles ont décidé de faire une halte sur le lac en face du chalet. Mais avant de savoir qu'elles arrêteraient, je me suis inquiétée. Elles allaient directement au nord. J'ai vérifié, comme si je ne le savais pas, depuis le temps, où le soleil se lève, où il se couche sur ce lac connu; elles allaient vraiment vers le nord. J'ai cru à un problème de pollution qui affectait la boussole des oiseaux. Puis je les ai vus descendre face au vent pour ensuite se laisser dériver sur l'eau vers le sud. J'ai réalisé que nous faisons la même chose avec nos voiles qu'elles avec leurs ailes. Personne pour me dire que j'ai raison. Alors quand elles se sont envolées, j'ai encore eu des doutes sur leur orientation. Mais non, encore face au vent pour décoller puis virement de bord, direction sud. Quelle vie de fou ai-je donc menée pour n'avoir rien remarqué de tout cela avant!

MATAGE AVANCÉ

Tout a commencé par le dématage. Élémentaire, mon cher Watson. Personne n'en doutait. Je le précise parce qu'il faut toujours être attentif en communication, refléter ce qu'on croit que l'autre a dit. Savez des affaires que les femmes essaient de faire avec les hommes. Comme dans la vie de couple. On part avec l'idée préconçue que l'autre "sait" et on fonctionne là-dessus pendant des semaines, des mois, parfois même des années. Puis, on se réveille un bon matin (quel cliché!) pour réaliser, quoi? Que l'autre ne lave jamais la baignoire quand vient son tour. Pourtant, on vivait avec la certitude que notre couple fonctionnait selon le partage des tâches. Voyez, ce sujet n'avait pas été clarifié. Essayez, après tout ce temps, d'inclure le nettoyage de la baignoire dans ses tâches. Je parle en général, même si je fais référence aux hommes de ma vie et probablement aux vôtres aussi ( un échantillonnage tellement large je vous dis et ce compte n'inclut pas mes deux fils!), ils ont en général des critères de propreté de la baignoire différents, j'insiste, différents des miens, que cela ne vaut pas la peine de discuter. Ce constat, que je refusais de faire, il n'y a pas si longtemps encore, a été un travail ardu. Alors aussi bien laver la baignoire moi-même.

Comment peut-on passer du mât à une baignoire? Ne me le demandez pas. Parfois je me déroute moi-même. Voyez, comme j'ai besoin d'une introduction. Ce n'est pas facile. Voilà près de cinq mois que je tourne autour du mât. Reprenons du début voulez-vous? Donc nous avions dématé l'automne précédent. .Il fallait démater parce que le VHF, les feux de navigation (entre autres choses) ne fonctionnaient pas. Donc, démater pour pouvoir passer un nouveau câblage et un filage dans le mât.

Ce qui fut fait (le dématage), au retour de l'été. En arrivant à la marina Gagnon, je m'inquiétais déjà, mais un jeune monsieur, gentil, souriant (qui ne le connaît pas?) me fit comprendre qu'il avait le contrôle; (enfin un macho, de temps à autre quel bien cela fait!) et je vis le miracle s'accomplir grâce à la "crinque". Nous étions quatre: Ulysse, le Gentil Monsieur souriant qui parle, le Monsieur sérieux qui parle peu , sourit peu mais qui travaille fort et moi, l'Inquiète. Je mis dans ma tête le processus du dématage en me disant qu'il suffirait de l'inverser. Toujours aussi élémentaire Watson! Puis j'ai hivernisé mon inquiétude sur le matage. Vous n'avez jamais remarqué? Vous n'avez pas d'inquiétudes adaptées à la saison? Comme j'aime nos quatre saisons!

L'hiver passa sans que nous fassions encore beaucoup de ski. Et le printemps arriva. Vous en apprenez des affaires avec moi! Tout ce qui s'hiverne finit par revenir à la surface. Alors, Ulysse me dit que nous serons capables de mater tous les deux seuls. J'ai de sérieux doutes. Il ne faudrait pas croire que parce que j'ai l'air un peu limitée en navigation que je le suis dans tout. Un instant. J'ai bien vu que si nous ne sommes que deux, il y en a un qui lève le mât et ça ne peut être moi, trop pesant même avec un levier et l'autre enligne le mât dans son emplanture. Un mât de 40 pieds à enligner! Ne soyez pas grivois. SVP. J'ai eu tout le printemps pour réfléchir en dînant chez Dédé et en frottant et dorlotant Svenska. D'autant plus que pour évacuer mes craintes, je n'arrêtais pas de demander à tout le monde leur opinion sur le matage. Il n'y avait plus personne qui voulait dîner avec moi. Souvent la réponse était: "On ne touche pas à cela, nous" ou "Jamais on ne l'a fait". Tout pour me rassurer. Une semaine avant la mise à l'eau, je fais part à Ulysse encore une fois de mes appréhensions qui grugeaient mon sommeil comme une anode mangée par la corrosion. En ajoutant que je vais demander à nos voisins de marina de nous aider à mater . -Certain qu'on va vous aider. Ça nous donnera une pratique pour que nous puissions le faire après les écluses.

Soulagée comme ça se peut pas. Un, d'avoir de l'aide et deux, qu'ils acceptent en me donnant l'impression que je leur rends service.

Radieuse, je dis enfin à mon capitaine: "Maintenant on peut faire la mise à l'eau".

Début juillet: c'est le jour M, la mise à l'eau et le matage.

-Ulysse, d'habitude, ils dorment au bateau. Comment se fait-il qu'ils ne soient pas là?.

-Peut-être ont-ils un acheteur pour leur condo. C'est plus important de le vendre puisqu'ils partent le mois prochain que le matage de notre bateau.

Comme un enfant, je fais la moue et je répète:" Mais ils avaient promis de nous aider!"

Un peu plus et je tapais du pied. Il a bien fallu que je me résigne à mater seule avec Ulysse. J'ai finalement accepté et c'est d'ailleurs ce qui était arrivé: la vente du condo. Depuis ils sont partis, deux voiliers Yallah et Jonathan IV.

En transportant le mât, on a accroché la girouette qui ne girouette plus depuis. Je regardais mon Ulysse et je n'avais pas envie d'en rajouter pour une fois. En fait, pour tout vous dire, j'ai tout oublié. Sauf que ça allait mal, de plus en plus mal, qu'il s'est mis à pleuvoir. Je me demandais comment on ferait pour se sortir de ce pétrin tout en restant un couple sain et heureux. Plus ça allait mal, plus j'en voulais à Ulysse. Plus ça allait mal, plus y pensait que j'étais de mauvaise foi. Puis un nouveau miracle s'est produit. En fait une apparition. Mais non ce n'était pas la vierge!

On dit que de vrais amis sont ceux qui sont toujours là quand on a besoin d'eux. Mieux que ça; de vrais amis ce sont ceux qui apparaissent sans qu'on les prévienne qu'on est dans la merde. Ils (les capitaines d'Aventure) passaient chez Gagnon en revenant de Mooney Bay. Ils ont décidé d'arrêter pour dire bonjour. Un bonjour qui a duré 2 heures. Merci, encore. Plus jamais juste nous deux. A moins que je me décide à prendre le cours pratique "Matage avancé" Quelqu'un a-t-il besoin de moi au printemps pour ma pratique?

P.S. En matant et en passant le câble du VHF, qui n'a rien de délicat quand même, la base du mât l'a coupé. Shlacq! Vous voyez 40 pieds à enligner, ce n'est pas rien. D'autant plus que le bateau ne bougeait pas beaucoup, lui. Alors grivois ou pas: gare au matage et aux conséquences. Dire qu'il y a tellement d'autres choses que j'aime faire seule avec Ulysse, mais pas le matage. Plus tard, quelques jours plus tard, Ulysse a réussi a faire la connexion. Ce fut difficile, pas beaucoup de jeu. Mais depuis le VHF fonctionne.