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Annexe

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Construction d'une annexe traditionnelle en bois moulé
par Antoine Rose, décembre 2003

C'est d'abord pour le plaisir et la satisfaction personnelle que l'on s'embarque dans une telle entreprise. Le plaisir et la satisfaction d'utiliser et de contempler un bel objet sorti de ses propres mains.

En apparence, l'annexe gonflable possède tous les avantages : faible encombrement, grande capacité, fiabilité et facilité d'utilisation. L'annexe rigide en bois est plus encombrante. Par contre, celle-ci se comporte mieux lorsque remorquée et c'est un plaisir que de ramer dans une véritable annexe rigide.

Le plan de l'annexe provient d'un livre de Geoffrey Prout, reproduit gracieusement sur un site de Nouvelle-Zélande.

http://www.woodenboat.net.nz/Stories/features/SimpleBoatFolder/SimpleBoat.html

Le plan d'origine prévoit une construction traditionnelle avec un bordage à clins. J'ai modifié cette méthode pour recourir plutôt à un bordé dont les virures sont jointes chant sur chant et collées à l'époxy. Le bordé terminé est enduit de plusieurs couches d'époxy avant de recevoir des membrures cintrées à la vapeur. Les membrures sont collées et vissées. La serre de bouchain, la serre bauquière et les bancs viennent renforcer le tout, ce qui donne une annexe très rigide et légère.

Le bois utilisé est du cèdre de Colombie Britannique pour sa légèreté et son imputrescibilité. L'inconvénient est son prix et les nœuds qui le rende difficile à cintrer. Pour économiser, j'ai refendu des poutres de 6 pouces par 6 pouces en planches d'un demi pouce pour les tableaux avant et arrière et en planches de 3/8 X 3 pouces pour les virures. Ce travail très long a permis de sauver beaucoup d'argent sur le bois. En effet, trois madriers ont coûté 150$ alors que les bois tout coupé eut coûté plus de 800$. Le coût total estimé pour la construction de l'annexe est de 500$, incluant le bois, l'époxy et l'accastillage.

Le plan détaillé comprend un tableau de cotes qui permet de tracer en grandeur réelle le profil des tableaux avant et arrière de même que le couple principal. Ces trois éléments forment l'essentiel des formes de l'annexe. Les tableaux avant et arrière font partie intégrante de l'annexe et sont donc réalisés en planches de cèdre. Le couple central est temporaire et fut réalisé dans des retailles de contreplaqué. Les cotes sont reportées sur un quadrillage pleine grandeur tracé sur une grande feuille de papier brun. Une fois chacun des points reportés sur la grille, une grande latte souple permet de relier les points d'un des couples et de tracer alors une courbe. Certaines des cotes fournies par le plan sont peu précises. Il s'agit alors de tracer la meilleure courbe possible sans nécessairement passer par tous les points.

Ces courbes représentent les couples extérieurs du bordé. Pour obtenir les courbes définitives des couples, il faut alors retrancher des courbes dessinées l'épaisseur du bordé (3/8 de pouce) et tracer une deuxième courbe à l'intérieur de chacune des couples. Les courbes fournies par le plan sont des demi couples. Pour obtenir le couple au complet, il suffit de plier au préalable la feuille de papier en deux. Lorsque la courbe est tracée, on coupe les deux épaisseurs au ciseau pour obtenir un couple complet, prêt à être transféré sur les planches (photo 1).

L'étape suivante consiste à réaliser un chantier de construction pour fixer les tableaux avant et arrière et le couple central. Le chantier est réalisé en deux par quatre d'épinette bien droits et assemblés d'équerre. Le tableau avant est fixé sur un support à un angle de 60 degrés. La base du tableau arrière est fixée à 8 pieds de celle de l'avant avec un angle de 70 degrés (photo 2).

Les bords des tableaux avant et arrière doivent ensuite être chanfreinés pour que les virures de bordé s'ajustent à plat sur ceux-ci. L'angle du chanfrein est donné par une simple latte tendue entre le couple principal et chacun des deux tableaux.

L'annexe ne possède pas de quille à proprement dit. La première planche qui s'ajuste au centre des trois formes est plus épaisse que les autres (1/2 pouce au lieu de 3/8 de pouce pour les autres virures). Puisque la distance à couvrir entre le centre de chacune des formes et le haut du bordé n'est pas égale, chacune des virures devra être plus large au centre qu'aux extrémités. Les virures sont collées à l'époxy sur les deux tableaux et vissés avec des vis de laiton #8 enfermées sous un bouchon.

Bordage de la coque.
Une fois la virure centrale fixée et collée, chacune des virures suivantes est déposée de façon à chevaucher légèrement la précédente sur toute sa longueur. Il suffit ensuite de tracer au crayon la courbe de la virure précédente en suivant son contour. On découpe à la scie sauteuse et on ajuste au rabot. Le rabot sert aussi à biseauter les chants des planches pour compenser l'angle formé entre deux planches. Une fois ajustée, la virure est alors collée aux deux extrémités et sur la précédente. On empêche le collage sur le moule central en interposant un morceau de pellicule plastique. Des serres réparties sur toute la longueur du joint entre les deux virures assurent un ajustage parfait et une tenue pendant la polymérisation de la colle (photo 3 et 4).

En plus de la virure centrale, treize virures viendront s'ajuster de chaque côté de celle-ci. Un total de 27 planches constitue le bordé. Malgré le fait que chacune des planches est amincie aux extrémités pour compenser les différences dans les longueurs du moule central et des tableaux, deux endroits de la coque sont plus difficiles à border. Le premier endroit est le bouchain, alors que les virures ne sont pas seulement cintrées longitudinalement mais aussi vrillés latéralement. Les dernières virures près du livet sont difficiles à poser puisqu'il faut aussi leur donner de l'épaule, c'est-à-dire qu'en plus du cintrage longitudinal, il y a aussi un cintrage latéral.

L'ajustage la pose et le collage de chacune des virures demande environ une heure et demi de travail, de sorte qu'il est possible d'en faire une chaque soir et de laisser la colle reposer jusqu'au lendemain. Sur 27 virures, quatre planches briseront en cours de travail à cause des nœuds.

La pose de la dernière virure apporte une réelle satisfaction. Cependant, celle-ci donne au livet une tonture trop droite à mon goût. Une courbe plus harmonieuse est tracée en suspendant une corde qui longe le livet entre l'avant et l'arrière. La courbe est ajustée à l'œil avant le traçage au crayon et la découpe à la scie sauteuse et une finition au rabot.

Vient ensuite une étape fastidieuse, faire disparaître les traces de colle et adoucir tous les angles entre les virures pour obtenir une coque bien lisse. L'intérieur de l'annexe est ce qui a de pire à poncer puisque les surfaces sont concaves.

Enfin, la coque peut être détachée de son chantier et retournée. La légèreté de l'ensemble est surprenante. Le moule central est encore en place et pour cause, toutes les planches cintrées ne demandent qu'à revenir à leur forme originale.

Membrures.
Il faut maintenant renforcer la coque avec des membrures. Celles-ci sont en cèdre d'un quart de pouce par un pouce et demi. Pas question ici de forcer le cintrage des membrures. La courbe de la coque est trop prononcée pour le supporter. Il faut recourir ici au cintrage à la vapeur.

Les membrures sont chauffées à la vapeur dans un tuyau de gouttière. À une extrémité effilée en fuseau, une chambre à air de vélo est fixée. La chambre à air est à sont tour ajustée au sommet de ma vieille cocotte minute (Presto) remplie et mise à chauffer sur le poêle de camping. Une bonne guenille ferme l'autre extrémité du tuyau de gouttière de façon non étanche.

Ici, les nœuds du cèdre deviennent vraiment un handicap. Pour réussir à cintrer les quatorze membrures espacées à six pouces d'intervalles, une dizaine de planches seront brisées. Il est très difficile de cintrer ces planches seul. La difficulté n'est pas physique. Il faut surtout être deux pour supporter la membrure en cours de cintrage jusqu'à ce que celle-ci se dépose sur le fond de la coque. Une fois mise en place, la membrure sèchera pendant 24 heures. Après ce délai, celle-ci peut être retirée pour être encollée. Un marquage au crayon est nécessaire pour pouvoir la remettre en place au même endroit. Les membrures sont vissées dans les planches de bordé à raison d'une vis à toutes les deux virures. De plus, le vissage est décalé entre les membrures pour éviter que toutes les vis soient dans les mêmes virures. Le résultat donne un vissage en quinconce.

Les membrures posées et collées, un renfort supplémentaire est donné par deux paires de serres : une paire de serre bauquières courant le long du livet et une paire de serres de bouchains situées à huit pouces sous la serre bauquière. La serre de bouchain doit aussi être cintrés à la vapeur avant d'être collée et vissée. Les serres bauquières aboutissent aux extrémités sur des équerres en bois formant liaison entre le bordé et les tableaux avant et arrière. Les équerres sont arrondies.

Avant la fixation des banc, l'intérieur reçoit deux couches d'époxy et l'extérieur trois couches. Cela sera complété par des couches de vernis. En effet, l'époxy est sensible aux ultraviolets et doit être protégé.

L'annexe est d'abord prévue pour être propulsée avec des rames. Cependant, la conversion pour ajouter éventuellement un mât et une voile d'Optimist est prévue et un puit de dérive fut construit et sert de renfort sous le banc du rameur. Un second banc est construit à l'arrière. Le banc est courbé pour ne pas jurer avec les lignes de la coque. Les bancs sont collés et vissés sur la serre de bouchain. Des encoches sont aménagées pour le passage des membrures. Le banc avant n'est pas encore construit et servira aussi de support d'étambrai pour le mât. La distance entre l'emplanture de mât et l'avant du puit de dérive est déjà calculée pour être à la verticale du centre de poussée vélique. Cette distance est de deux pieds.

Finition.
Trois couches de vernis sont appliquées partout. Pour protéger l'annexe des inévitables rencontres avec la coque du voilier, un cordage d'un demi pouce en polyester toronné cours tout autour de l'annexe et se termine sur le tableau arrière en fuseau. La finition en fuseau est réalisée en détoronnant les trois brins sur six pouces, en effilant graduellement chacun de brins puis en les retoronnant. Une surliure solidifie l'extrémité et la rend plus élégante. Ce cordage fut conçu pour le gréement courant des voiliers traditionnel et ressemble à du vieux cordage de chanvre. Le cordage est collé et cloué. Enfin, on pose des tolets en bronze pour les rames et un œillet à l'étrave pour la ligne de remorquage.

Performances.
L'annexe est si légère qu'elle donne l'impression de flotter sur l'eau comme une feuille. Sous voile, elle suit le bateau sans tirer. En ajustant la position de l'annexe sur la vague de traînée, celle-ci ne tire que très peu sur sa ligne.

À rame l'annexe est un peu volage et manque un peu de stabilité directionnelle. Cela est probablement dû à l'absence d'aileron de quille. Avec un peu d'entraînement, l'annexe devient relativement stable et est très véloce à cause de sa faible traînée. Il n'est pas impossible qu'un aileron soit ajouté.

La configuration voile n'a pas encore été essayée. Il n'y a donc rien à en dire pour l'instant.

Des mots pour le dire:

Virures: chacune des planches constituant la surface extérieure de la coque et que l'on appelle le bordé.

Membrures: renforts latéraux qui s'appuient sur l'intérieur du bordé et sont espacés à intervalles réguliers le long de la coque.

Serre bauquière: renfort longitudinal fixé par-dessus les membrures et qui longe le sommet du bordé.

Serre de bouchain: renfort longitudinal fixé par-dessus les membrures et qui se trouve au niveau du bouchain, c'est-à-dire l'endroit où le fond de la coque prend une courbure importante pour devenir la paroi.