Gran
Canaria - Les Açores
par Sophie
Chacoux, juin 2004
Mai 2004
ILES CANARIES
PUERTO de MOGAN de GRAN CANARIA
Depuis plusieurs jours nous attendons un signe d'Eole.
Mais rien...Rien que la bise matinale et un souffle thermique qui caresse légèrement la côte en fin de journée.
La météo laisse espérer une tempête de ciel bleu pour les jours à venir.
Heureux les touristes sur les plages, au moins ils pourront faire bronzette!
Nous sommes trois petits bateaux à vouloir remonter sur les Açores depuis les Iles Canaries:
- PEGASSUS: un sloop hollandais en acier de 13 mètres, construit en 1924, battant pavillon anglais et bichonné par Harvey et Guesine les heureux propriétaires.
- ALTAÃR: un sloop de 10 mètres des années 80, en polyester, skippé très "britishement" par Paul.
- HISPAÃOLA de LEITH: un ketch de1979 de 44 pieds, dessiné par German FRÃRS, dernier de la série, sur lequel j'ai le grand honneur d'être conviée à naviguer avec un capitaine authentiquement écossais!
Je suis heureuse d'embarquer sur HISPAÃOLA.
D'abord parce que je n'ai jamais navigué sur un ketch, et puis parce que, revenant d'Argentine, j'y avais admiré ce genre de constructions étudiées pour voguer dans les conditions rudes du Grand Sud.
Le Wind 44 est un beau et bon bateau. Celui-là , avec sa garde-robe de onze voiles est plutôt bien paré.
Reste plus qu'Ã tester!
Extraits de livre de bord:
Jeudi 20 mai 2004, 37º 49' N et 15º 46 W.
Départ MOGAN 6 heures du matin.
Cap 315, direction FAIAL aux AÃORES. Le port d'HORTA est 930 milles plus au Nord... tout là -haut là -haut...
Mer d'huile, pas un souffle de vent. Sir Perkins (70 CV) ronronne dès les amarres larguées.
Les couleurs sont magnifiques.
Les falaises se dessinent joliment sous le soleil levant alors que les fameuses accélérations inter-îles semblent faire partie d'une légende sortie tout droit de l'imagination humaine:
l'océan n'est qu'un lac!
14 heures: Des dauphins.... des baleines... Il y en a plein autour d'Hispañola!!!
C'est la valse des cétacés. Ils nous coupent la route, plongent, nous saluent de jets puissants, puis disparaissent malicieusement dans les profondeurs
marines... au moment de la photo bien sûr!
Pas forcément facile de les fixer sur l'objectif ces bestioles!
Je viens de louper une queue! Une petite baleine vient de plonger à quelques brasses du bateau.
Je râle. Tant pis!
Nous sommes GV et moteur. Un petit vent de N-W, tout léger, agite la mer de vaguelettes où les crêtes blanches ont à peine le temps de se dessiner.
Nous approchons de TENERIFE. Tout va bien à bord. Nous filons à 5 noeuds
PEGASSUS
navigue de conserve avec nous. à la VHF, Harvey signale quelques petits problèmes de moteur.
Zut... Avec un temps pareil ce n'est pas le moment qu'il lâche! Mais il semble que ce soit déjà réparé.
Le capitaine roupille et la moussaillonne que je suis se prépare son "maté" ramené religieusement de BUENOS-AIRES, tout en z'yeutant le ferry qui traverse depuis LAS PALMAS vers SANTA CRUZ.
Le TEIDE pointe son téton au-dessus des nuages.
Derniers regards... TENERIFE commence à s'estomper peu à peu.
20 heures: Le capitaine veut faire la cuisine ce soir.
Menu: Pasta à la sauce écossaise. M'ouais.... Allez, je dirai que ce n'est pas trop mauvais!
Vendredi 21 mai 2004.
On s'est mis à l'heure T.U depuis hier... c'est à dire qu'on a enlevé une heure par rapport aux CANARIES.
Et aux AÃORES on en enlèvera une autre. Ainsi va la vie avec les fuseaux horaires.
Mais ki-ki-a-donc inventé ça!!!
Good morning capitaine...
Faciles les quarts de nuit avec un temps pareil. Faut surtout faire gaffe à ne pas s'endormir bercé par le ronron de Monsieur Perkins.
Sur mer calme comme en ce moment, c'est fou ce qu'il pousse à aller dans les bras de Morphée!
Ce matin, petit force 3-4, (Youpee-Youplaboum), et vent N-N-W.
On avance à 4-5 noeuds. Vitesse qui est devenue notre moyenne depuis le départ de MOGAN.
Nous avons fait 120 milles et nous sommes à 70 milles au Nord-Ouest de TENERIFE.
Ãa veut dire aussi qu'il nous reste encore 800 milles à faire pour arriver à HORTA!!!
C'est pas pour demain l'arrivée...
On stoppe le moteur. On met les voiles. Ah ça fait du bien quand ça s'arrête!
ANECDOTE DE VOYAGE:
Le capitaine me sacre ce matin "préposée au mât de misaine".
Entendez par là , responsable de l'artimon. Parce que chez les " z'Anglais ", la misaine c'est notre artimon à nous.
Allez comprendre...
Mais ce n'est pas tout! Je suis promue responsable de son foc.
Vous savez, cette espèce de voile en toile de spi, toute légère, de toutes les couleurs... qui m'en fera voir de toutes les couleurs la garce!
Et puis comme c'est un Monsieur très " BCBG " dans son pays le capitaine, il m'appellera désormais " Mistinguette d'Artimon "... en honneur à cette fichue voile de trinquette bien évidemment!
Je n'ai pas arrêté de la passer de tribord à bâbord... de bâbord à tribord...
Donc vas-y que je te passe et repasse l'écoute... Vas-y que je me prenne les pieds dans la toile...
Tout ça parce que le " capi " voulait choper le maximum de vent. D'accord, pour ça il avait raison!
"Stay sail" qu'ils appellent ce bout de drap dans son langage à lui.
Vous voulez savoir : eh bien je la HAIS!!! Pourtant qu'est-ce qu'elle est jolie quand elle est à poste.
Jolie et efficace. Avec elle, Hispañola filait à 5 noeuds... tout le temps... et presque sans vent!
J'en ris après coup, mais sur le moment je me suis trouvée souvent stupide.
J'ai dû me familiariser avec les termes british et surtout avec le terrible accent du skipper!.
Mon petit anglais courant ne pouvait pas traduire immédiatement toutes les appellations barbares que ce gentil " capi " écossais me lançait à tour de manivelle!
Alors je dis un bien grand merci au numéro spécial de la revue " Voiles et Voiliers ":
" Dictionnaire des termes marins ", en deux langues français-anglais. Je le potassais tout le temps pendant les quarts.
Grâce à lui j'ai été sauvée de la disgrâce. J'en
conclus que tout le monde devrait partir une semaine sur l'océan avec un écossais.
Car si on n'est pas jeté aux petits poissons avant, c'est qu'on peut naviguer sur tous les océans!
Mais le capitaine d'Hispañola est gentil, compréhensif et pédagogue.
J'ai donc beaucoup appris pendant ces huit jours de mer et je lui serai éternellement reconnaissante.
Vendredi midi: A moi de faire le point. Comme tous les midis.... C'est acquis... C'est bibi!
C'est qu'on est très organisé à bord!
30º 03 N et 16º 43 W.
Le baro est stable et nous faisons du 5-6 noeuds avec un vent N-W qui nous pousse à coups de 7-11 noeuds selon son humeur.
G.V... Artimon... Génois... Toute la panoplie du parfait routard tranquille est sortie.
J'ai compté: Plus que... 778 milles pour arriver. Le "capi" est encore parti roupiller. Le vent tombe doucement.
Moi je surveille l'onde que je trouve de plus en plus plate. On avance à 2 ou 3 noeuds. C'est peu.
Et puis surprise!
J'ai vécu l'étrange quand Hispañola est subitement rentrée dans ce j'appellerai un "mur de rien! "
Comme si on avait cogné dans le néant! Ãa fait vraiment un drôle d'effet.
L'anémomètre, que je n'arrête pas de fixer, marque subitement : 0.0...
Oui, 0.0!!!! RIEN quoi, pas un souffle. Drôle d'impression que de sentir le bateau flotter sur cette immensité uniforme et surtout de le sentir partir en travers, malgré le
pilote... La faute d'un peu de houle imperceptible sans doute. Même les voiles ne chuchotaient pas!
Alors réflexe moteur, et c'est reparti pour un tour de moulin... tout en reprenant le bon cap c'est évident!
Ce furent des secondes pour le moins étranges. Comme si Hispañola n'était plus sur l'eau.
Le ciel se couvre de plus en plus.
Ãa sent la pluie. Les premières gouttes sont arrivées dans une rafale en même temps qu'un pigeon bagué.
Un beau petit pigeon, à qui j'ai donné à boire et à manger, et à qui j'ai fait un abri pour la nuit.
Il était tout content mon pigeon. Mais pas le capitaine!!!
Samedi 22 mai. Nuit agitée sous moteur. Un paquebot nous appelle à 8 heures pour un petit bonjour.
Son capitaine grec parle très bien l'anglais. Il amène son canote plein de touristes de la Méditerranée aux U.S en passant par
Ténérife. C'est fou comme ce petit signe fait plaisir!
La pluie a tout lavé sur le pont et le pigeon est toujours sous son abri de fortune.
Le capitaine exige son départ. Bon.... Exécutons! Je le prends dans mes mains pour un dernier câlin (pas le capitaine, le pigeon!)... et puis je le lance vers l'horizon (le pigeon, pas le capitaine!)
Au même moment un autre pigeon cherche à se poser. C'était trop pour le "capi "!!!
Je me marrais...
Le capitaine s'est mis à faire des gestes horribles et à pousser des cris... en écossais.
On aurait dit un vrai épouvantail! Les pigeons ont vite compris que l'atterrissage sur Hispañola leur était définitivement interdit. Après 3 petits tours au dessus des mâts, ils ont pris la direction de l'île de MADÃRE dont on était plus ou moins à la hauteur.
Adieu mes pigeons...
Midi, mon point: Position: 31º22' N et 18º 25'W On a arrêté le moteur et la " Mistinguette d'Artimon " s'est battue une fois de plus avec sa "stay sail".
G.V et génois sont à poste. Récompense, on file à 6-7 noeuds et le vent nous met du 20 noeuds dans les voiles.
On rattrape enfin un peu du temps perdu ces deux derniers jours. Dommage que la grisaille se soit installée dans le ciel.
Le téléphone sonne. Ce n'est pas habituel au milieu de l'océan!
C'est un coup de fil satellite d'ALTAIR. C'est le luxe sur ces bateaux battant pavillon anglais! Ils n'ont pas la BLU mais l'Iridium fonctionne à tour de bras...
Paul n'est qu'Ã 15 milles de nous, mais invisible et injoignable par VHF.
Tout va bien à bord. Lui aussi ce matin il a pu parler avec le capitaine grec du paquebot qu'on a croisé
De PEGASSUS, plus de nouvelles bien que Harvey et Guesine soient sûrement dans le secteur.
En fait, on fait la course. A celui de nous trois qui arrivera le premier à HORTA.
Une bonne bouffe est en jeu!
Journée un peu longue sans soleil. Le " capi " me donne l'autorisation de me mettre en position horizontale plus tôt que prévu, ce que je vais faire avec ma précieuse bouillotte!
Brrrr.... ça se refroidit en montant vers le nord!
Dimanche 23 mai. 5 heures du matin et de quart: Le vent passe de S-S-E Ã N-E
Faut descendre une fois de plus ce fichu foc d'artimon! J'enrage... Eole nous régale d'un petit 15 noeuds de vent.
Midi:
Position : 32º 21 N et 20º 06 W Cap 300 Nous ne sommes plus qu'à ... encore 557 milles de HORTA.
Le vent est repassé S-S-E De nouveau on se traîne à 3 noeuds pour 5-6 noeuds de vent.
L'horreur!!! Je ne peux même pas pêcher car on ne va pas assez vite. Heureusement dans le fond, car j'ai compris que le capitaine n'aimait pas trop le poisson.
Il n'est pas bien équipé côté fil et leurres. Je lui ai proposé de lui faire des rapalas en découpant des sacs en plastique du super marché, il ne veut même pas!
Je finis par croire qu'il aime mieux les pigeons aux petits pois...0)))...
Moi qui rêve de bonites et de dorades...
Lundi 24 mai. Tempête de ciel bleu et soleil radieux.
Enfin! Position midi: 33º 53 N et 21º 55 W Cap 330. Plus que 428 milles pour arriver aux AÃORES.
Je les compte ces milles! Ils ne filent pas vite. Le vent est passé N-E. Il est tombé à 10 noeuds. On se prélasse à 5-6 noeuds, panoplie de voiles dehors.
14 heures TU... Une baleine vient nous narguer!
15 h TU... Cette fois c'est une balise avec laquelle flirte Hispañola. Un drôle de truc.
C'est une espèce de bouée flottante qui nous frôle au niveau de la ligne de flottaison.
Je me précipite... Je veux l'attraper... toucher... comprendre! Engueulo du capitaine:
"No Sophie... No!!!!" C'est peut-être de la drogue qu'il dit! Ah... C'est vrai que je n'y avais pas pensé.
J'aurai plutôt opté pour une bouée météo. Je trouve que le " capi " a l'imagination plutôt vagabonde!
Pourtant, après coup c'est moi qui me mets à délirer. Et si on se trouvait mêlés à une histoire loufoque en plein milieu de l'Atlantique?!
Après tout, j'aime bien Indiana Jones moi... Le grand large fabrique de drôles d'histoires quand l'esprit est fatigué!!!
Quand j'en parle au capitaine il me trouve encore plus "crazy" qu'avant...
Du coup j'en ris! Mais je ne suis pas sûre qu'il soit ravi. En tous cas, que c'est bon parfois de dédramatiser des situations par des pensées foldingues!
Mardi 25 mai. Une fois de plus Sir Perkins a marché toute la nuit et continue ce matin.
Autour d'Hispañola c'est un lac... on navigue une fois de plus sur un lac!
Un bateau de pêche battant pavillon turc nous croise sur tribord.
A la radio ils nous saluent et nous demandent si on n'a pas besoin de gasoil.
Ils rentrent tranquillement vers la MÃDITERRANÃE. Ils sont quand même gentils ces turcs!
J'aide le capitaine à remettre du fuel.
Il faut en profiter quand ça ne bouge pas, au moins on n'en fiche pas partout!
On remet allégrement quatre bidons de 20 litres. Paul d'ALTAIR vient de nous appeler.
Il a pu entrer en contact avec PEGASSUS et on est tout heureux de la bonne nouvelle.
Ãa veut dire que Harvey et Guesine ne sont pas très loin. Eux n'ont pas le téléphone et la propagation VHF n'y est pas.
Dommage...
Connaissant leurs positions, le capitaine décide de mettre 10º de plus à l'Ouest pour essayer de se regrouper.... ou du moins d'être tous les trois à vue et à portée de VHF.
Un gros paquebot passe dans le lointain en nous ignorant.
Le vent N-N-W est toujours aussi faible : 4 noeuds. Avec le moteur nous avons mis la G.V et la trinquette.
Le génois, lui, reste enroulé.
Position de midi. 35º 16 N et 23º 45 W Cap 320. On file à 5-6 noeuds.
17h T.U.
Oh surprise: un spi à l'horizon! C'est Paul sur son ALTAIR. Son spi lancé donne au capitaine l'envie d'en faire autant.
Et c'est reparti pour "Mistinguette d'Artimon", en avant les voiles!
20 heures: Constatation: Le vent aura été très capricieux aujourd'hui.
Ce matin on avait un vent du Nord. Puis il est passé au Sud. Maintenant c'est un N-N-W qui semble s'établir pour la
nuit... et moi d'enlever le foc d'Artimon! C'est reparti pour le moteur.
Problème de santé: le capitaine est coincé! Son genou enfle et se bloque de plus en plus.
La souffrance se marque sur son visage.Le pauvre il fait de la peine à voir.
Il ne peut pas prendre d'antalgiques ou d'anti-inflammatoires. Faut dire qu'il a pas mal de choses d'abîmées le capitaine !... pancréas... estomac... que sais-je encore!
Les Ecossais sont de bons vivants. Alors en avançant dans le temps le corps grogne forcément.
Mon âme d'infirmière se réveille et je lui fais des applications de glaçons sur son genou malade, ce qui le soulagera assez bien.
Je n'ai jamais autant béni un congélateur que ce soir!
Je reste quand même anxieuse.
Si le vent se lève cette nuit je serai toute seule aux manoeuvres. Hispañola n'est pas légère avec ses 17 tonnes.
Et quand je pense à toute sa panoplie vestimentaire... Oh lala! Mais la nuit se passera sans incident. Ouf!
Mercredi 26 mai: La magie des glaçons a fait son effet.
6 heures du matin. Le vent s'est levé... et le capitaine aussi! Son genou, sans être guéri, a dégonflé.
Il peut se tenir debout.
Les 20 noeuds de vent dans le pif, arrivés subitement, nous font arrêter le moteur.
On déroule le génois. On prend un petit ris dans la G.V et on lance l'artimon.
Fini de s'amuser, l'inconfort s'est installé avec une gîte plutôt désagréable.
On ne peut plus rien faire à bord, sauf se cramponner et laisser le bateau filer à un rythme établi de 7 noeuds.
Ce sera comme ça jusqu'à l'arrivée à HORTA.
Midi: 36º 37' N et 25º 46 W Cap 310. Dehors grisaille et bruine.
Pas très drôle. Aucun courage... sauf celui de trouver sa bonne position et de ne plus en bouger, sauf en cas d'absolue nécessité.
Paul nous téléphone. Il est à 32 milles plus bas.
Alors le capitaine s'excite. Bien sûr qu'il veut et qu'on va arriver les premiers, ça va de soi!
Alors il peaufine un peu plus la voilure pour gagner un petit noeud... ce qui nous donne un peu plus de gîte et encore plus d'inconfort bien sûr!
Le capitaine estime notre arrivée demain, jeudi, à 20 heures T.U.
Je mets le "flag" portugais sur ordre du capitaine car nous ne sommes plus qu'Ã 176 milles d'HORTA.
Il voulait mettre le pavillon des AÃORES aussi, mais,Â
oh horreur !... j'ai dû l'en dissuader, il en restait moins que la moitié!
Sa dernière expédition dans l'archipel lui avait été fatale. Messieurs les anglais, vous êtes très curieux dans vos decisions parfois...
20 heures. Le capitaine est content: On file à 8 noeuds avec un vent N-W
En fait, on s'en prend plein la figure quoi!
Jeudi 27 Mai. Temps de chien. Nuit absolument dégueulasse!
Hispañola entre dans la vague... et boum... et boum... et boum... Le bateau gîte très fort.
On est toujours sous G.V, artimon et génois. On a pris deux ris dans la G.V.
A l'intérieur on met un temps fou pour aller d'un point à un autre.
Tout est attaché, coincé, bloqué.... ou bien se casse la figure et reste sur le plancher.
On écoute le sale temps qui chante dans la toile. Un mélange de rafales de vent accompagnées de pluie.
Le ciel est gris virant au noir. Je me fais toute petite dans mon ciré.
Je vise la descente pour sortir dans le cockpit et je me casse la figure évidemment!
Pas trop bobo, ça va!
On ne voit toujours pas les îles... Faut dire qu'avec un temps pareil!
Subitement , alors que je me suis calée dans un coin du cockpit, je n'en crois pas mes yeux:
Un chalut de pêche, une espèce d'énorme sabot de ferraille sorti de nulle part est à quelques brasses devant.
My God!!!
Avant de réagir il était déjà passé, à presque nous frôler.
Quel effet!!! Je crois bien que mon coeur s'est arrêté de battre. Il aurait pu nous couper en deux cet idiot!
Le hasard fait que j'ai ma caméra dans la poche... je le fixe sur l'objectif comme pour être sûre de ne pas rêver.
Il se passe de drôles de choses sur l'Océan...
Le point de midi: 38º 06 N et 28º 04 W. Vitesse 7 noeuds pour 20 noeuds de vent W-S-W.
La mer est agitée à forte. Cap 315. Le port de HORTA n'est plus qu'à 26 milles.
Au diable la gîte... On arrive... On y est presque!
C'est fou comme on se sent subitement ravigotée en " sentant " la terre!
Le "capi" avertit la capitainerie de notre arrivée. Pourtant on ne voit toujours pas les îles...
17 heures T.U.: Heure approximative d'arrivée: dans quatre heures.
Le ciel est toujours aussi bas, gris et triste. Il bruine.
DONNEZ-MOI DU SOLEIL CAPITAINE!!!
Mais le capitaine me fait gentiment remarquer, qu'au lieu de râler, je dois plutôt " humer " la douceur de l'atmosphère.
Ouais.... Beh moi je ne sens rien, et j'ai plutôt froid!
Lui, il est tout content parce qu'enfin des falaises se dessinent à travers la brume:
L'île de PICO! Il est heureux parce que le paysage ressemble à celui de son ECOSSE natale.
Il est aux anges le capitaine! Effectivement, j'aperçois par moments des points très verts sur la terre qui n'est qu'à 5-6 milles d'Hispañola, mais aussi d'énormes vagues
qui s'éclatent sur la côte tourmentée.
Le vent est passé à l'Ouest. On enlève le génois et on remet le moteur une dernière fois.
Les milles diminuent... Courage Hispañola, nous seront les premiers à FAIAL!
La fatigue commence à se faire sentir sur l'équipage. Preuve en est, le capitaine habitué à ses petits plats préparés depuis le départ, s'ouvre une boite de raviolis!!!
18 heures locales:
Nous entrons enfin dans le port de HORTA.
Au travers de la brume des voiles curieuses se dessinent.
On dirait des voiles latines. Sous le soleil le cliché aurait été merveilleux.
HORTA me fait penser à FUNCHAL, en plus petit.
La même baie... le même môle... et les montagnes alentours. Je ne fais que les soupçonner, c'est dommage!
On ralentit fortement à l'entrée pour baisser les voiles, sortir les défenses et préparer les amarres.
Les gestes habituels, quoi! Dans le port on peut distinguer une myriade de mâts les plus divers, et des pavillons de toutes sortes.
Une place est libre devant la station de gasoil, on s'y glisse entre deux autres voiliers.
Manoeuvre sans précipitation, on nous aide gentiment depuis le quai. On arrête Sir Perkins.
Hispañola est arrivée!
Le capitaine me fait une affectueuse accolade. On balance toujours sur nos jambes, mais on est HEU-REUX!
S'en suivit la visite traditionnelle à la capitainerie pour les papiers.
Les marineros reconnaissent Hispañola qui a l'habitude de se poser à HORTA tous les étés.
L'accueil sera chaleureux. Les heures à venir verront défiler des premiers amis à bord.
On en oublie l'espèce de crachin qui continue de tomber du ciel de plus en plus sombre.
La nuit, le premier sommeil de " terrien " sera un peu difficile.
Les amarres... J'avais oublié le chant des amarres dans les chaumards !!!
Parce qu'en plus on avait dû mettre une traversière. C'était beaucoup de cordages tout ça!
Et cracÂ
et couicÂ
et cracÂ
Dans un dernier sursaut de courage je vais vider sur elles la bouteille de liquide vaisselle.
Macache!Â
Ãa ne fait rien, sauf salir un peu plus le pont. Mon oreille aura du mal à s'y réhabituerÂ
et moi à m'endormir.
Vendredi 28 mai.
9 heures du matin. Réveil un peu difficile. Deux autres bateaux étaient arrivés durant la nuit et s'étaient mis à couple.
Mais le bonheur suprême fut celui de retrouver PEGASSUS et ALTAIR, à couple aussi, mais juste en face!
Et vas-y que je t'enjambe le premier bateau pour aller saluer Paul ainsi que Harvey et Guesine.
Encore dans leurs cirés, ils venaient juste d'arriver. Calcul vite fait, on leur avait pris une bonne dizaine d'heures.
Ah la bonne bouffe ce soir en prévision!!! Sans compter le plaisir de se retrouver, après huit jours de navigation, sur cette petite île à 930 mille plus haut... là -haut tout là -haut... quelque part sur l'Atlantique.
Bonjour les AÃORES!