ARGENTINE - URUGUAY
Le Rio de la Plata
J'y ai déniché un petit coin de paradis...
par Sophie Chacoux, juillet 2008
Depuis un an déjà , je me promène dans le
Rio de la Plata, une mer sans fond jonchée d´épaves, une mer à l´horizontale
comme certains se plaisent à l´appeler.
C´est beau... c´est prenant... c´est
majestueux... c´est grandiose !
J´ai bien dû passer dix fois déjà de
l´Uruguay à l´Argentine... de l´Argentine à l´UruguayÂ
A partir du port de La Plata, pas plus
de 4 ou 5 heures de navigation séparent l´Argentine de Colonia de Sacramento en
Uruguay : c´est une bien sympathique promenade dominicale.
Enfin, sympathique, en principe, car
c´est quand même selon la saison.
Il faut savoir que naviguer dans le Rio
de la Plata, c´est du sport !!!
Durant la période de l´été austral,
aller d´un pays à l´autre est plaisant... du moins quand on ne prend pas un de
ces redoutables pamperos sur le coin du museau !
Le reste de l´année il faut être très
vigilant et bien étudier sa météo en tenant toujours compte de l´avis des
préfectures.
Le pampero, c´est ce vent qui
arrive du sud-ouest sans crier gare.
Il vient tout droit de la Pampa comme
son nom l´indique.
En arrivant sur l´océan sa puissance est
réactivée et c´est fréquemment que sa force peut atteindre 60 à 70 noeuds.
Il ne dure jamais très longtemps, mais
quand un gros cigare noir nappé de chantilly se pointe à l´horizon, il est
préférable de ne pas être au milieu du Rio de la Plata, par seulement 4 ou 5
mètres de fond... quand ce ne sont pas seulement 2 à 3 mètres.
Impressionnant un pampero sur une mer
sans fond !
L´an dernier, en cette même période
d´hiver austral, Enomis et moi, nous nous étions posés à Piriapolis, en Uruguay.
Quelques saisons avant, il y avait eu beaucoup de dégâts après un de ces flirts
« pampériens »Â
de quoi inquiéter Enomis qui était exactement sur la place où
d´autres bateaux avaient sombré quelques mois plus tôt..
Cette année, bien décidée à ne plus me
trouver ligotée par dix amarres et recevoir presque toutes les semaines plus de
50 à 60 noeuds de vent à l´intérieur même du port, bien décidée aussi à ne pas me
faire réveiller par les lions de mer qui n´hésitent pas à monter à bord sans
invitation, j´ai recherché un endroit plus calme pour me poser durant l´hiver
austral.
Et je l´ai trouvé !
Ãa s´est fait un peu par hasard... en
allant jouer les exploratrices avec mon annexe dans les petits rios qui se
perdent à l´intérieur des terres. Je suis tombée dessus... je n´en croyais pas
mes yeux... j´y ai réellement découvert mon havre de paix !
En revenant après ma dernière échappée
uruguayenne en mars dernier, j´avais fait l´erreur -par méconnaissance- de
m´amarrer dans une de ces grandes marinas, grande et snob comme j´exècre : vous
savez, pleine de bruits, de cris, de gens déguisés en club-men et en club-women
le week-end, avec les motos de mer qui pétaradent, avec la sortie en masse des
petits voiliers et des vedettes à gros moteur dès le vendredi, avec des «
capitaines » qui font du n´importe quoi... parce que ça leur donne l´illusion de
devenir un Grand Navigateur le temps d´un dimanche.
Car, eh oui, même dans cette Argentine
que j´aime tant, on rencontre aussi ce genre de marinas !
Fort heureusement, ce n´est pas le cas
pour la majorité des clubs argentins...
En remontant dans le Nord de l´estuaire,
juste au-dessus de la ville de Buenos-Aires, j´ai trouvé des clubs accueillants.
Mais hélas, dans cette région nord de la capitale fédérale, c´est souvent les
places qui manquent... ou bien alors il n´y a pas d´eau pour arriver jusqu`à eux
!
Je me souviendrai longtemps d´un séjour
dans le petit port de Quilmes : j´y avais eu un accueil les bras ouverts. Mais
une nuit Enomis s´est retrouvé complètement couché sur le flanc... drôle
d´impression quand on dort !
Ce n´était pas du tout prévu par le
coefficient de marée pourtant, mais par le vent qui avait tourné ouiÂ
et
également par des « anciens » du port m´avaient parlé de ce risque.
Le coup de Nord est bel et bien arrivé
sans prévenir.
Je ne parlerai pas de l´état intérieur
du bateau... pire qu´à la gîte lors d´un coup de tabac au près !
En conséquence, et pour parler du bon
comme du mauvais, je déconseillerai surtout et vivement à celui qui descend
d´éviter de s´arrêter au fameux "club de las Régatas" qui se trouve dans le
delta du port de La Plata.
Ce port est un bon port-refuge, certes,
mais même si on y arrive assez facilement (quoique le canal d´accès soit réputé
dangereux), on risque de payer très cher son arrêt en stress et en énergie
inutilement dépensée.
Qu´on se le dise !
Par contre... par contre... juste avant
d´arriver dans ce club, en prenant un petit canal qui semble aller se perdre Ã
l´intérieur des terres, à guère plus d´un mille en amont, là où jamais on ne
penserait découvrir des petits bateaux, on débouche tout simplement sur un coin
arraché au paradis !
Bien sûr il est préférable de pénétrer
dans ce bras de rivière à marée haute.
Mais dans le Rio de la Plata c´est
tellement une évidence de faire avec la marée qu´on en oublie parfois les
risques de flirt avec le fond.
De toutes façons, le Rio est tellement
sablonneux qu´on ne fera guère plus que caresser la quille de son bateau sans y
laisser de stigmates.
Aujourd´hui, en ce début juillet 2008,
cela va faire deux mois que nous hivernons très australement parlant Enomis et
moi dans un des plus anciens « réfuges » marin de tout le Rio de la Plata. Il
est bigrement historique en plus, quoique oublié aujourd´hui bien qu´un fort
transformé en musée le rappelle. Son nom : Ensenada
Nous sommes entrés dans un cadre
exceptionnel de verdure, au milieu des petits canards sauvages qui viennent me
manger le pain dans la main, on est réveillé le matin par le chant des oiseaux,
et ma petite "matelote" argentine à quatre pattes qui répond au nom d´Ushuaia
est aux anges !
Juste en face du bateau il y a une
vieille maison classée patrimoine national.
Avec un parc, des palmiers, un puits
datant de 1890 !!! Le soir le site s´illumine dans le calme de la nuit.
Aucun bruit... que celui du clapotis...
c´est magique !
Il y a d´autres petites maisons dans la
nature alentour. Mais on les distingue à peine.
Certaines ont un débarcadère privé. Mais
ce n´est pas « riche », contrairement à ce qu´on pourrait croire surtout si je
dis que l´ensemble ressemble à une cité lacustre. C´est seulement superbe,
propre et très bien entretenu.
Ce petit club privé où Enomis est amarré
est en fait une entreprise familiale.
Les propriétaires, Claudio et Roberto,
père et fils, comme toute la famille d´ailleurs, sont d´une extrême gentillesse.
Mais surtout il règne dans leurs ateliers un grand professionnalisme en matière
de réparations les plus diverses. Un autre bonheur pour Enomis qui a besoin
d´une maintenance sérieuse après tous les milles qu´il a pris sous la quille
depuis mon départ des Canaries en 2005.
Ici on ne sait que faire pour m´aider
dans mes travaux et m´être agréable.
Pour me faire plaisir ils m´ont même
permis de me brancher Internet à partir du bateau en prenant la ligne de leurs
bureaux. .... (génial ! surtout pour venir papoter dans le café du port avec les
STW-iens de mon forum préféréÂ
)
J´ai, bien sûr, l´eau, l´électricité, et
la nuit il y a une vigilance qui rassure.
Je ne pense pas rencontrer un club comme
celui-là de si tôt !
Je terminerai le cliché sur un petit
restaurant attenant où chaque jour est proposé une cuisine comme à la maison. Le
vendredi et le samedi on y gratte la guitare, et on y mange l'asado... cette
fameuse viande argentine grillée au barbecue... unique... rendue tellement
odorante par les herbes de la Pampa... et tellement savoureuse !
Et puis j´ai à ma disposition le club de
kayac dont le gérant n´est autre qu´un ex-champion sud-américain dans cette
discipline. Alors je me suis bien promise de m´entraîner !
Lovée dans ma polaire, j´ai hâte de voir
les beaux jours revenir (ils commencent déjà à rallonger !). Le kayac sera idéal
pour aller fouiner dans les autres rios attenants, à la recherche d´autres
morceaux de terres arrachées au paradis.
Sophie S/Y Enomis
Juillet 2008 Â ENSENADA - ARGENTINA