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Rencontre des cétacés

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À la rencontre des cétacés
Des missions pour découvrir, comprendre, protéger
par Monique Vincent-Fourrier, mai 2006

Depuis toujours dauphins et baleines fascinent l'homme. Les premiers récits les concernant remontent à l'Antiquité, telle la légende d'Arion un jeune musicien sauvé par un dauphin alors que les pirates l'ont jeté par dessus bord. Mais que sait-on au juste des dauphins, rorquals, cachalots et autres cétacés ? Peu de choses en réalité et les scientifiques n'ont pas toujours les moyens (matériels et financiers) pour approfondir leurs recherches. D'où l'idée de deux jeunes français, de créer une association qui réunit des propriétaires de voiliers souhaitant donner un objectif à leurs sorties en mer, des scientifiques ayant un projet mais pas de navire pour le réaliser et des écovolontaires participant aux manoeuvres, à la photo-idenfication et au repérage des animaux.


Les scientifiques, les écovolontaires et les propriétaires des voiliers sont regroupés autour
des organisateurs pour les dernières recommandations avant le départ de la mission

L'histoire commence presque comme un roman. C'est celle d'un jeune couple, lui passionné de voile, elle passionnée par les cétacés. Nadège et Etienne décident de créer une association ayant pour objectif la coordination de missions en mer axées sur la recherche, la connaissance et la protection des mammifères marins. C'est ainsi que naît Breach une structure au nom évocateur des figures effectuées par les dauphins...


Etienne Girou, l'un des fondateur de Breach prépare a route de la journée
en fonction du repérage qui a été fait le matin même par l'avion

Après quelques missions d'identification et d'enregistrement de baleines à bosse, organisées en partenariat avec Mégaptera une association basée aux Comores, les deux protagonistes entrent en contact en 2004 avec le LIIA, (Laboratoire d'Informatique Industrielle et d'Automatisme) de l'Université Paris XII.

Objectif de la mission organisée en 2004 : évaluer la sonde du cachalot

Le LIIA effectue des recherches dans les domaines de la robotique, de l'intelligence artificielle et du traitement du signal. Commencé en juillet 2001, le projet "Signaux acoustiques et Mammifères marins" s'était concrétisé en 2002 par la réalisation d'une sono bouée avec hydrophone puis en 2003 par des enregistrements de clics de cachalots dans le détroit de Gibraltar, en partenariat avec le CNRS. Mais côté bruits, le détroit de Gibraltar s'apparente au périphérique parisien à l'heure de pointe: les bateaux se croisent dans tous les sens à grand renfort de motorisation, ce qui ne facilite guère l'écoute et l'enregistrement des cétacés.

La mission organisée en août 2004, en partenariat avec Breach, se déroulait donc dans un lieu plus calme mais où des cachalots avaient été précédemment repérés. Elle avait pour objectif l'enregistrement des signaux émis par ces cétacés, le suivi sonore d'un animal en plongée et la réalisation d'une triangulation acoustique.

Intéressants pour la recherche universitaire, les données collectées sont également utiles dans les mondes civil et militaire pour détecter, donc éviter les collisions avec les mammifères marins et de fait, mieux les protéger.


Faisant autant appel aux talents de bricoleurs des étudiants qu'aux connaissances des techniciens,
les hydrophones doivent pouvoir être mis facilement à l'eau et sans dommage.
Où et comment recycler les bouteilles d'eau en plastique...

Cette mission réunissait des moyens humains et matériels importants. Une vingtaine de personnes : scientifiques, écovolontaires, et les propriétaires de trois voiliers participaient à l'opération (un Romanée, un Sunkiss 47 et un Dufour 41). Un avion de reconnaissance survolait également chaque matin la zone pour tenter de localiser un animal. Six PC portables, connectés à des pré-amplificateurs reliés à des hydrophones par des kilomètres de câbles étaient embarqués à bord des trois navires.


L'importance du matériel et les talents de bricoleurs des scientifiques permettent d'enregistrer les clics du cachalot pendant sa plongée

Organisée au départ de Toulon, les navigations quotidiennes entraînaient les participants sur un canyon de 2000 mètres de profondeur, situé à environ 5 milles de la côte. Naviguant de front, en maintenant un espace d'environ 3 milles entre chaque voilier, les équipages se répartissent les tâches. Les uns manoeuvrent, d'autres scrutent l'horizon jumelles à portée de mains pendant que les scientifiques et les étudiants du LIIA préparent le matériel. Le programme mobilise les compétences de spécialistes en acoustiques sous-marine, en électronique, en traitement du signal et en biologie marine. La mission est effectuée en partenariat avec l'EPHE de Montpellier et le professeur Pierre Beaubrun pour la connaissance des cétacés, l'Ifremer et la Marine Nationale pour le prêt de matériel.

Bien qu'un cachalot ait été vu sur la zone des recherches, l'horizon visuel et acoustique des trois navires est resté désespérément vide pendant les quatre premiers jours de recherches. Seuls quelques groupes de dauphins Stenella Coeruleoalba et des rorquals ont apporté un peu de baume au coeur des équipages qui se désespéraient, d'autant que la météo se détériorait en milieu de semaine.


Après cinq jours de recherches, le cachalots fait enfin entendre ses clics
qui permettent de le suivre dans sa recherche de proies

Le vendredi, l'espoir renaît. Un navire faisant la navette entre la Corse et le continent a aperçu la veille, un cachalot sur la zone du canyon. Une nouvelle zone d'observation est définie selon ces dernières informations. Effectivement, le mammifère est au rendez-vous et les enregistrements font entendre, très distinctement, les clics émis par l'animal, doucement lorsqu'il est en recherche de proie et très rapides ensuite lorsque celle-ci est localisée. Puis le silence de la grande bleue domine un instant pendant lequel il est aisé d'imaginer que le cachalot dévore sa proie. Et cela reprend... Clic... clic... clic...

Cette première mission laisse aux participants le souvenir d'une formidable aventure humaine où le savoirs des uns a été partagé et mis à disposition des autres.

But de la mission 2005 : recenser et photographier les dauphins tursiops présents dans le Golfe du Lion

Les plaintes des pêcheurs attestent une présence importante population de dauphins tursiops dans le Golfe du Lion jusqu'en 1965. Puis ils semblent avoir complètement disparu de ce secteur jusqu'à la fin des années 90. Plusieurs hypothèses sont émises par le professeur Pierre Beaubrun pour expliquer cette disparition : changement du milieu et notamment de la salinité du aux barrages effectués sur le Rhône, pollutions diverses et variées, raréfaction de la nourriture... Les dauphins tursiops, qui étaient autrefois présents sur l'ensemble de la Méditerranée, ne sont plus représentés que par des populations morcelées qui vivent essentiellement près des îles (Corse, Sardaigne, Baléares et Malte).


Après plus d'une semaine et demi de recherche, les dauphins sont enfin là, fidèles à leur réputation de joueurs

Un premier recensement effectué en 2000 par l'EPHE de Montpellier évaluait à environ 200 individus la population présente dans le golfe du Lion.


Sur l'un des bateaux participants, les écovolontaires, attentifs surveillent l'horizon à la recherche des cétacés

La mission organisée par Breach en juillet 2005, pour le compte de l'EPHE et de l'ENSAT, avait pour but le recensement et la photo-identification de ces tursiops. La tramontagne a limité les sorties et perturbé les observations effectués la première semaine. Le 8 juillet, au petit matin, les trois voiliers peuvent enfin quitter Port Vendres vers 3 heures pour se retrouver à l'aube au milieu du golfe. En plus des scientifiques, dix écovolontaires participent à la mission. Positionnés de façon à couvrir l'horizon sur 360° , ils sont chargés de repérer les animaux et de les photographier. Les trois voiliers naviguent de front de façon à couvrir l'horizon par transeps de 2 milles nautiques de large et 6 milles de long. Pendant trois jours, les équipages ne voient aucun mammifère marin, ni poisson, juste quelques oiseaux qui suivent les chalutiers entrant au port... La Méditerranée apparaît comme une mer pauvre, surexploitée... Un groupe de dauphins tursiops est enfin repéré, le 14 juillet : une quarantaine d'animaux dont quelques jeunes qui offrent aux participants un spectacle acrobatique aussi extraordinaire en intensité qu'en durée : plus de deux heures.


Dès qu'un animal est repéré, les écovolontaires notent sa position, ses caractéristiques
et prennent les photos qui permettront de le reconnaître lors d'une prochaine observation


La passion pour les dauphins de Nadège la présidente de l'association Breach
est en commune mesure avec le travail réalisé avant et après chaque mission

La beauté de la représentation ne masque pas l'évidence : on est très loin des populations présentes dans le golfe du Lion, il y a tout juste une cinquantaine d'années. La protection des mammifères marins est plus que jamais nécessaire, mais les efforts des uns ne seront utiles que si l'ensemble des pays bordant la Méditerranée et tous les acteurs du monde maritime (plaisanciers, pêcheurs, marins de commerce, transport de passagers...) ne se mobilisent en même temps.


Malgré un groupe d'une quarantaine de dauphins repéré,
le Golfe du Lion laisse aux participants l'image d'un espace pauvre et surexploité

Le rendez-vous de Breach pour 2006

Breach couvre désormais deux zones d'activité : la Méditerranée et les Antilles. Les prochaines missions prévues se dérouleront en Méditerranée, dans le Golfe du Lion : du 10 au 17 juillet 2006, du 22 au 29 juillet 2006, et en octobre (date précisée à partir du 1er septembre). Elles auront pour but le recensement et la photo-identification des populations de cétacés dans le golfe du Lion.

Renseignement, adhésions à l'association, participation aux missions:

http://www.breach-asso.org
nadege.gandilhon@breach-asso.org

Autres structures organisant des missions de découverte en France et aux Antilles

- Aux Antilles Delphinia Sea Conservation est basé au port du Marin (Martinique). Cette association réalise des études, des observations et des suivis scientifiques. Elle effectue également un gros travail de sensibilisation auprès des populations locales et notamment des jeunes îliens.

http://www.ocean-observatory.org
info@delphinia.org

- En Manche, Océan-Océan organise des campagnes d'observations scientifiques des grands dauphins, en partenariat avec le GECC (Groupe d'Etude des cétacés du Cottentin), le GMN (Groupe Mammalogique Normand) et Océanopolis, en baie du Mont Saint Michel. A certaines dates, notamment en période de vacances, Océan-Océan organise des missions pour les adolescents 12-14 ans et pour les jeunes 15-25 ans.

http://www.ocean-ocean.org
f.gally@ocean-ocean.org
tél. 06 15 13 75 93

- En Méditerranée, la SCS (Swiss Cetacean Society) organise des campagnes d'acquisition de données sur les populations de cétacés. Elle s'appuie sur les participants écovolontaires, qui sont encadrés par des naturalistes spécialisés. Les informations sont ensuite transmises aux scientifiques qui en assurent le traitement notamment à l'EPHE de Montpellier et à la CIESM (Commission Internationale pour l'Exploration Scientifique de la Méditerranée).

http://www.swisscetaceansociety.org
scs1@vtxnet.ch
tél. + 41 (0) 21 311 84 17