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Petit convoyage

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Un petit convoyage de rien
par Francine Poulain, février 2003
notes tirées du livre de bord du catamaran "LoveNid"

Samedi 27 mai 2000:
LA SORTIE DU CHAOS

De: Marina La Batture, Nicolet
À: Parc Bellerive, rivière Richelieu
Départ: 08h15
Arrivée: 20h00
Distance: 33 M

Enfin, on quitte le St-Laurent! On ne naviguera plus dans les eaux usées des industries chimiques des Grands Lacs qui polluent notre planète et sont un fléau pire que les guerres. C'est pas peu dire!

Ça me rappelle mes excursions en canot-camping à la découverte du chemin naturel de la colonisation.

À travers cette aventure, Robert et moi sommes en train aussi d'ouvrir un chemin d'avenir pour notre couple… Finie la bataille du St-Laurent, à qui sera le plus puissant. Suivre ce que nous dicte la nature est depuis toujours le chemin de la sagesse.

Alors, notre remontée vers le lac Champlain est empreinte de toutes ces émotions: elle commence dans une certaine inquiétude -pour moi, du moins- que le vent est trop fort et le temps trop mauvais (rappelant une situation d'échec l'été passé lorsqu'on a voulu se rendre de Batiscan à Nicolet); mais l'entrée dans le Richelieu marque enfin une libération.

On laisse derrière nous ces monstres cauchemardesques que sont les usines de Sorel.

Dimanche 28 mai 2000:
ON VOYAGE DE PAR LE MONDE…

De: Parc Bellerive, rivière Richelieu
À: Écluse no 1, Chambly
Départ: 08h15
Arrivée: 17h15
Distance: 31 M

Deuxième journée sur trois: celle du milieu. On voyage… à travers le monde. Comme sur un bateau-mouche sur la Seine.

Les rives sont habitées par des maisons cossues. Je sors les jumelles et j'inspecte les jardins: des fois que ça me donnerait des idées pour le mien.

Puis j'élabore des plans de nègre: quelle petite maison acheter sur le bord du Richelieu, pas loin du lac Champlain, pour nos vieux jours…

Passé St-Mathias, le style de ville change. Les maisons sont toutes entassées les unes sur les autres, et possiblement en zone inondable. Ça ne me tente plus.

Et puis, il y a l'Île Goyer, avec le rang de maisons de nouveaux riches, avec leurs gros bateaux à moteur, "se montrant", face à la rive opposée beaucoup plus modeste...

On arrive à Chambly enfin. Le temps est à la grisaille et l'impression à la nostalgie. Grande Belle d'autrefois, Chambly semble avoir perdu bien des plumes. Accostés au quai fixe près de la première écluse du canal, on parade, mais en quittant le bateau on a un peu peur de se faire voler…

Lundi 29 mai 2000:
ON S'EN VA À QUELQUE PART MALGRÉ TOUT!

De: Écluse no 1, Chambly
À: Marina Gosselin, St-Paul-de-l'Île-aux-Noix
Départ: 08h45
Arrivée: 16h00
Distance: 20 M

(J'écris ces quelques notes en fin d'après-midi, au bureau, avant de reprendre le collier. Je n'ai as eu le temps avant, ayant quitté Robert et le bateau à 14 heures à St-Jean-sur-Richelieu)

J'ai du mal à m'élancer: écrire ne me paraît plus couler de soi comme sur le bateau. C'est comme le matin lorsque je me réveille au milieu d'un rêve: le fil est coupé, je ne me rappelle plus clairement ce qui se passe…

Voyons, nous nous sommes réveillés ce matin par un soleil éblouissant de mai, accostés au port d'une ville d'eau tranquille. Ça me rappelait la Côte-Nord. Pourquoi? Peut-être parcequ'il faisait aussi froid…

Et nous avons remonté le canal de Chambly comme on remonte une montagne en funiculaire, ou qu'on passe d'un ascenseur à l'autre dans un édifice à étages.

Puis nous avons longé la piste cyclable, ou la piste cyclable nous a longés: en tout cas, on était en parfaite harmonie avec les cyclistes. On se faisait des bye-bye, fiers de se montrer les uns aux autres en congé.

Arrivés à St-Jean, la ville des militaires et des sinistrés, nous avons ri à leur barbe à la terrasse très affairée de la marina Le Nautique, en se remémorant -en tout cas pour moi- la belle période où on croyait encore qu'il y aurait pour tous, bientôt, une civilisation des loisirs… Ça ne ressemble pas à ça,: juste à rentrer en auto avec le stress sur les routes, on s'aperçoit bien qu'on ne se dirige pas là. Alors, zut au progrès!

Et puis, si on se rendait quelque part, qu'on pressent et qui donnera malgré tout un sens à notre vie, sans que ça ait l'air de rien, en catimini ou en catamaran, dans nos temps libres?