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Pour une navigation sécuritaire dans l'estuaire:
utilisation de l'Atlas des courants de marée du St-Laurent
par Joseph Soltész, février 2006

Passer de l’eau douce à l’eau salée sur le Saint-Laurent n’est pas de tout repos : rapides Richelieu entre Deschambault et Deschaillons, ponts de Québec, traverse Saint-Roch, île-aux-Coudres, entrée du Saguenay. Voilà au moins 5 secteurs où il vaut mieux savoir ce qu’on fait : les courants peuvent être de 5 nœuds dans un sens ou dans l’autre, et parfois même beaucoup plus!

Principes de l’Atlas des courants de marée du Saint-Laurent

L’Atlas des courants de marée est l’ouvrage qui permet de planifier adéquatement sa navigation dans ces secteurs. Il consiste à reporter rigoureusement à l’échelle à la fois la vitesse et la direction habituelles des courants à un endroit et à un moment bien précis.

La codification est la suivante:

Les courants sont cartographiés pour des périodes de 20 (VINGT) MINUTES Non seulement l’épaisseur du trait, mais aussi sa longueur et sa direction sont rigoureusement proportionnelles. À notre échelle, la flèche suivante:

représente un courant compris entre 6 et 7 nœuds portant à 95º degrés. Si le facteur de correction dans le secteur donné est 1 et qu’il n’y a aucune perturbation (vent contraire, etc.), un bâtiment dérivera donc dans cette direction d’un peu plus de 2 milles en vingt minutes.

Les flèches associées en triplets:

montrent (3 fois 20 minutes) la dérive réelle pendant une (1) heure-marée.

Attention! À cause du courant du fleuve, en amont de l’île d’Orléans, il y a 7 heures-marée (donc 7 cartes) de descendant pour 5 de montant (pour le total usuel de 12.) En tenir compte dans le calcul des heures-marée.

On essaiera toujours de profiter au maximum du courant portant pour arriver au moment opportun. Si on ne peut éviter du courant contraire (comme c’est le cas aux rapides Richelieu, SAUF pour une heure-marée), on choisira les conditions les plus favorables : ici de 1 à 2 heures après la pleine mer à Québec.

Toutes ces données doivent être corrigées selon les marnages. Ainsi, à la p. 39 de l’Atlas, pour un marnage de 3 mètres, le facteur de correction sera nul. On pourra utiliser toute flèche (et la distance-courant qu’elle représente) telle quelle. La longueur de chaque flèche et donc sa vitesse ainsi que la distance parcourue pendant 20 minutes devront être réduites de 60% pour un marnage de 1 mètre seulement, mais augmentées de près de 20% pour un marnage de 4m et de plus de 40% pour 5.

Inutile de dire que tout ceci requiert des calculs extrêmement soignés et précis. Mais ça marche! Avec un groupe de stagiaires des Blanchons, pour faire le tour de l’île d’Orléans, après une planification minutieuse, nous sommes arrivés à la bouée K108 au moment précis où le courant se renversait!

Utilisation de l’Atlas des courants de marée du Saint-Laurent

Trois cas peuvent se présenter:

1- on part d’un port donné;
2- on veut profiter au maximum des courants portants;
3- on veut arriver dans les conditions les plus favorables.

Dans le premier cas, on choisit un moment où le courant est favorable (et, pour augmenter la distance à parcourir, pas trop défavorable: de 1 à 2 nœuds contraire, mais pas plus) et on suit le courant jusqu’à ce que la renverse, devenue trop forte, oblige à s’arrêter.

Le deuxième cas se présente aux rapides Richelieu, aux ponts de Québec, à la traverse Saint-roch, à l’île-aux-Coudres. La carte permet alors de visualiser le moment où le courant sera le plus fort. On part de ce maximum pour remonter au point de départ et on considère, sur l’ensemble des pages, jusqu’où on peut se rendre.

Le troisième cas permet de négocier les conditions les plus favorables pour arriver à destination et pour négocier l’entrée et la sortie du Saguenay. Mais aussi de calculer assez précisément quand entrer et sortir des marinas accessibles seulement quelques heures par marée et, surtout, de déterminer dans quelles conditions il faudra attendre à proximité, à l’ancre si nécessaire. Dans ce cas, on commence toujours les calculs par la FIN, c’est-à-dire les conditions (déterminées visuellement) où on trouve approprié d’arriver.

Normalement, le travail sur l’atlas devrait se faire comme sur les cartes : en reportant au crayon la route vraie du navire avec des points estimés SANS OUBLIER d’y rajouter (ou d’en retrancher dans le cas de courant contraire) le trajet fourni gratuitement par les courants.

Malheureusement, le papier de l’Atlas ne permet pas d’y écrire ni d’y effacer plus de 2 ou 3 fois.

On peut utiliser des post-it de couleur : verts pour indiquer la position de départ; et rouges pour la position d’arrivée au terme de l’heure-marée. L’expérience prouve qu’il suffit d’un seul post-it (celui d’arrivée) pour travailler adéquatement. Pour chaque portion de l’Atlas présentant la même échelle, on découpera des post-its correspondant à la vitesse estimée du bateau. On y indique à chaque fois la date, la durée de l’heure-marée, l’heure de départ et celle d’arrivée. Par une flèche, on indique le PPA, le point probable d’arrivée. Surtout en amont de Québec, l’échelle fera qu’on pourra parcourir plusieurs «cartes». Au lieu de l’heure-marée complète, on ne travaillera que sur les portions de 20 minutes correspondant à la vitesse du bateau.

Le reste n’est plus que calculs (heures-marée, corrections…) et travail aux pointes sèches.

RAPPEL: tout triplet de flèches indique la distance parcourue en une heure-marée par un bâtiment laissé entièrement à lui-même à la dérive.

Démonstrations: entrer et sortir dans le Saguenay

Voilà la liste des dangers de ce secteur:

- seuil peu profond du Saguenay où on passe brusquement de quelques centaines à seulement quelques dizaines de mètres de fond;
- eaux froides pouvant ne pas dépasser 7 degrés même en été;
- conditions météo localement variables (coup de canon dans le Saguenay…)
- brouillard de convection persistant lorsqu’il fait chaud et humide;
- orages spectaculaires avec rafales de vent brusques;
- courants de traverse pouvant atteindre et dépasser 7 nœuds;
- zones de clapot parfois monstrueux;
- vastes estrans découvrants (Alouettes, Vaches, Rouge, Blanche…);
- trafic commercial peu important, mais rigoureusement prioritaire
- distances relativement considérables.

Pour passer le seuil de Tadoussac, quatre situations peuvent se présenter:

1. on sort du Saguenay pour descendre vers le golfe Saint-Laurent à l’est;
2. on entre dans le Saguenay en venant du golfe Saint-Laurent à l’est;
3. on sort du Saguenay pour remonter l’estuaire Saint-Laurent vers l’ouest;
4. on entre dans le Saguenay en venant de l’estuaire Saint-Laurent à l’ouest.

Chacune de ces situations ne peut s’effectuer qu’à des moments bien précis. La plage disponible augmente un peu si les conditions sont idéales : météo favorable et marnage faible. Elles raccourcissent singulièrement pour devenir rapidement dangereuses, voir fatales, dès que la météo se gâte par des marnages importants. Il est important de se rappeler que, à cause des eaux froides qui viennent du Labrador, le secteur est souvent complètement noyé dans la brume et que le Saguenay sert de tunnel accélérant aux vents qui en sortent. J’ai déjà vu un bâtiment commercial de plusieurs dizaines de milliers de tonneaux préférer la voie sud, moins bien balisée, plutôt que d’affronter des vents qui sortaient à plus de 50 kn du fjord! De l’autre côté sur la rive sud, à 10 milles de là, tout était beau!

Cas 1: sortir du Saguenay pour descendre vers le golfe Saint-Laurent à l’est.

Saguenay et Saint-Laurent descendent dans le même sens. On a alors de 1 ou 2 heures après la pleine mer à Pointe-au-Père jusqu’à deux heures après la basse mer. Ce joli programme n’est tout à fait confortable que par les vents dominants du SW et lève des clapots extrêmement inconfortables par vents – généralement dépressionnaires – de nordet : si la météo des Escoumins annonce un avertissement aux petites embarcations (vents de plus de 20 nœuds), attendez-vous à vous faire secouer. Au-delà (avertissement de coup de vent), pour votre sécurité, renoncez! Et si vous présentez trois heures après la BM, le courant vous poussera vers l’amont. Ne vous obstinez que s’il fait exceptionnellement beau. Une heure plus tard, inutile de vous donner des conseils : le rond-point de l’îlette Rouge vous rappellera à l’ordre. Au mieux, il vous fera tourner dans le sens contraire où vous voulez aller. Le pire, vaut mieux ne pas l’imaginer.

Cas 2: entrer dans le Saguenay en venant du golfe Saint-Laurent à l’est.

L’inverse du programme précédent présente une assez vaste plage horaire: de 2 heures après la basse mer à Pointe-au-Père jusqu’à la pleine mer. Après, par beau temps, on a 1 heure de jeu, pendant que le Saguenay ne sort que lentement. Par la suite, il s’effectue généralement contre des vents dominants d’ouest : deux heures après la pleine mer, Saguenay et Saint-Laurent filent déjà vers l’est à 4 nœuds et plus. Vaut mieux alors choisir la marée du matin de bonne heure quand les vents ne sont pas encore levés ou encore attendre la nuit (dans cette région délicate, le balisage est particulièrement clair et détaillé.)

Cas 3: sortir du Saguenay pour remonter l’estuaire Saint-Laurent vers l’ouest.

La règle est très simple: il faut sauter le seuil alors que le jusant y descend encore pour se retrouver dans le Saint-Laurent quand le flot y monte déjà. Il n’y a que durant l’heure qui précède et qui suit la pleine mer à Pointe-au-Père que la chose et possible. Là encore, les vents dominants d’ouest rendent l’opération rapidement inconfortables, voire carrément dangereuse.

Cas 4: entrer dans le Saguenay en venant de l’estuaire Saint-Laurent à l’ouest.

Il faut se présenter au sud de la batture des Alouettes 1 à 2 heures après la basse mer à Pointe-au-Père : on aura de faibles courants contraires le temps de passer le seuil de Tadoussac, pour arriver au moment où le courant s’inversera dans le Saguenay. Si on pense parvenir à étaler le courant de 2 nœuds qui, sur la batture des Alouettes, est contraire à l’opération, on peut tenter le coup jusqu’à 2 heures et demi après la basse mer à Pointe-au-Père. Mais, autour de la toupie du Haut-fond Prince, les fonds ne dépassent pas 10 m et provoquent des clapots extrêmement inconfortables, sinon dangereux, dès que les conditions se gâtent.

Proposition d’ateliers pratiques

Même si les calculs semblent complexes, l’utilisation de l’Atlas des courants de marée devient rapidement aisée avec un peu de pratique.

Comme rien ne la remplace, j’offre à tout groupe constitué ou spontané de quelques personnes des ateliers pratiques:

- remonter et descendre les rapides Richelieu / les ponts de Québec / l’île-aux-Coudres; la traverse Saint-Roch;
- faire le tour de l’île d’Orléans;
- entrer et sortir du Saguenay;
- conditions d’attente au large (et à l’ancre) des marinas envasées (Saint-Jean-Port-Joli; île aux Coudre; Rivière-du-Loup; Bic…);
- etc.

Exercices d’après les besoins. Durée: une demi-journée. Après le 1er janvier 2006. Me contacter à solteszja@gmail.com

Joseph A. Soltész

Matériel

- cartes
- Atlas des courants de marée
- TableS des marées
- post-its
- pointes sèches
- ciseaux
- etc.